Le témoignage et le dossier du marin syndical communiste Stamatis
Scordos originaire de Korthi de l’île d’Andros, parent
éloigné de Dimitris Glinos, offrent l’occasion à l’historien d’enrichir
l’enquête historique avec deux excitants et nouveaux – dans le cadre de
l’historiographie grecque au moins – produits de sources historiques
primaires : une source de première personne et une source archivistique,
désormais rarement disponible, qui sauve la mémoire institutionnelle d’une
longue période de répression du mouvement communiste, le traitement de ces
sources étant sensé obéir à de nouvelles techniques méthodologiques, qui
renient la logique du fétichisme positiviste, sans cependant réfuter les
fonctionnements traditionnels de la vérification de la fiabilité des sources
historiques primaires, qui sont fondées sur le contrôle de validité intérieur
et extérieur et sur le recoupement des informations. Parallèlement, en raison de leur nature et
des nouvelles questions qu’elles posent, ces sources permettent à l’historien
de se mesurer à la problématique historiographique moderne, telle que celle-ci
est composée par la nouvelle histoire politique, l’histoire sociale dans sa
version « de l’histoire d’en bas », la micro-histoire, l’histoire
orale et l’histoire des représentations collectives et des mentalités, en
révélant l’action, le vécu, les modes de construction et de perception du
temps, ainsi que les représentations collectives des classes sociales
« tributaires ». À travers cet
affrontement, l’historien minimise le risque de succomber à des préjugés idéologiques,
qui idéalisent des aspects du passé, ou à des tendances modernes, qui parfois
changent l’historien en détective ou en chasseur de têtes et parfois en
propagandiste soit de l’idée d’une identité compacte et renfermée, soit en
promoteur des procédures de construction de cette idée. En ce sens, le témoignage et le dossier de
Stamatis Scordos ont une signification pour la science de l’histoire non
seulement en tant que traces-preuves de la particularité individuelle et de
l’aventure d’un syndical communiste, de sa marche idéologique et de son engagement,
mais aussi en tant que prismes reliés, à travers lesquels l’historien peut
entreprendre d’évoluer du partiel au collectif et, si possible, à l’universel.
Si nous voulions évaluer les reliquats de Stamatis Scordos (témoignage /
dossier) selon leur fonctionnement en tant que sources historiques primaires,
nous ne pourrions qu’admettre qu’ils sont d’une importance exceptionnelle, tant
par rapport à l’histoire contemporaine considérée du point de vue de la Gauche
combattante et aussi des mécanisme répressifs de l’État, que par rapport à
l’histoire sociale du travail et de l’évolution du mouvement ouvrier et
syndical, non seulement en Grèce mais aussi en Angleterre et aux USA, depuis la
période d’entre deux guerres jusqu’aux années 1960. Cependant, l’importance documentaire des
reliquats de Scordos sera mise en relief, à condition que d’abord soit étudié
la correspondance des faits du témoignage à ceux du dossier et, surtout, la
reconstruction éventuelle de la mémoire par rapport aux éléments du dossier, dans
la mesure où ces éléments aient pu – inconsciemment selon toute évidence –
avoir fonctionné comme une trame – guide pour le rappel du passé et pour la
reconstruction narrative de la mémoire.
À notre avis, l’importance documentaire du matériel que dépose Stamatis
Scordos consiste, par excellence, à l’intérêt exceptionnel qu’il présente
concernant le développement et la dynamique des luttes sociales et syndicales
en Grèce, depuis la période d’entre deux guerres jusqu’aux années 1960 et,
particulièrement, concernant l’organisation du mouvement ouvrier marin grec,
non seulement en Grèce mais aussi en Europe occidentale et aux USA, ainsi que
le montre la constitution et le fonctionnement de clubs tels que
« Spartacus » à New York. Le mouvement marin grec, inspiré de
l’idéologie communiste, a pris la forme d’une lutte revendicative et d’une
cristallisation progressive de conscience révolutionnaire de classe, parce
qu’il a trouvé comme un champ convenable pour son développement, dans la
réquisition de dépassement des conditions de travail et de vie misérables que
supportaient les marins dans les vaisseaux de commerce et dans l’élargissement
de l’horizon des marins grecs par leur expérience internationale. Le rapport dialectique entre les événements
de la scène politique locale et ceux de la scène politique mondiale a
décisivement influé sur l’évolution de maturation du mouvement marin grec. Les points repères les plus importants de
cette évolution ont été, d’une part, l’opposition active du mouvement marin
grec au camp idéologique fasciste et nazi au cours de la Seconde Guerre
Mondiale, qui a pris la forme d’une lutte suprême pour que les vaisseaux
restent « en mouvement » de sorte que les lignes d’outre-mer ne
soient pas « fermées » et, d’autre part, la Guerre Civile en Grèce et
la prédominance des forces gouvernementales à la fin, des événements qui ont
mené, après 1951 et 1954, à la signature des nouveaux contrats collectifs, à la
révocation presque totale des acquis syndicaux de la période 1940-1944. Dans ce cadre historique, les événements
cruciaux de la lutte politique et syndicale des marins grecs sont les premières
manifestations grévistes durant les années 1930, la fondation du syndicat
« Union Marine de Grèce » (NEE) en 1936, son siège étant sis d’abord à
Marseille et après 1940 à New York, la grève de Décembre 1940 et, d’une manière
générale, la graduation de la lutte contre le patronat armateur, la signature
du contrat collectif en Angleterre au mois d’Août 1941, la hausse importante
des salaires des marins au cours de la période 1943 – 1951, ainsi que la
fondation de la « Fédération des Organisations Marines Grecques »
(OENO), son siège étant sis à Cardiff, au mois de Mars 1943. Ce dernier
événement a été la conséquence de la nouvelle dynamique créée par
l’autodissolution de la NEE et par la création d’un nouveau contexte en raison
de la participation active des marins communistes grecs à la lutte
antifasciste; il faudrait aussi
reconnaître aux origines de ce contexte le conflit couvé entre le gouvernement
grec en exil et les armateurs grecs à cause, d’une part, des chartes-parties
qui prévoyaient l’affrètement des vaisseaux sous réquisition à un fret fixe, ce
qui réduisait drastiquement, d’après les armateurs, leur marge de bénéfice et,
d’autre part, à cause de l’engagement des comptes des revenus maritimes à
Londres.
Le fait que le mouvement marin grec a marqué ses succès les plus
importants durant la période 1940-1944, c'est-à-dire dans une situation de
guerre, confirme le schéma explicatif, selon lequel les opérations de la guerre
ou à certaines conditions seule la menace d’une guerre (en tant que facteurs
qui peuvent mener le système à une crise) favorisent l’interventionnisme
étatique, ce qui mène à la prise de mesures de politique sociale dans le but
que la reproduction des rapports sociaux soit régulière et que la dynamique
révolutionnaire émergeante soit émoussée, dynamique révolutionnaire qui risque
de surgir si les opérations de guerre tournent mal.
Par contre, la régulation de la vie politique au niveau international ou
national, compromet les acquis du travail et les droits syndicaux qui étaient
consolidés pendant la période de guerre.
Le récit de vie de Stamatis Scordos est important, également, 1) à
propos de la connaissance des méthodes de recrutement de membres par le KKE, 2)
à propos des modes de constitution de son réseau organisationnel sous des
conditions de clandestinité en Grèce et à l’étranger, 3) à propos du relevé de
la culture politique des marins et de la formation progressive d’un éthos et
d’une éducation militante de syndical communiste, 4) à propos de la formulation
de questions sur l’éducation théorique des cadres et des membres du KKE, 5) à
propos des débats idéologiques qui ont eu lieu à l’étranger pendant la Seconde
Guerre Mondiale, 6) à propos des conflits qui éclatèrent à l’intérieur des
organisations marines, 7) à propos de la participation des marins communistes
grecs à la lutte qu’ont menée les forces des alliés contre les forces de l’Axe,
8) à propos des mécanismes de répression que l’état a mobilisés pour combattre
le mouvement marin et, en fin, 9) à propos du cadre, des termes et des limites
de l’envol que le commerce maritime grec a connu après la guerre. La fonction documentaire du témoignage de
Scordos ne s’épuise pas aux faits du mouvement marin, mais ce témoignage
constitue une source fiable pour l’étude de la « géographie humaine de la
terreur » des camps de concentration de la période de la Guerre Civile et
de la période d’après la Guerre Civile. Scordos enregistre des aspects de la
vie des détenus dans les camps des îles de Yaros et de Macronissos et aussi
dans les prisons de Hadjicostae et
d’Averof a Athenes, de Kalamata et de Patras, en concentrant particulièrement
son intérêt sur les travaux forcés et sur les formes de résistance des déportés
et des détenus.
Le
phénomène d’épanouissement et de démocratisation de la mémoire historique fait
son apparition durant les années 1970.
Il est organiquement lié à l’abandon du caractère réglementaire du récit
national, qui était fondé sur l’idée d’une mémoire collective nationale unique
et compacte et il est produit non seulement de la démocratisation de
l’historiographie, mais aussi de l’effondrement des «grandes idéologies» et des
récits du 20ème siècle, principalement de l’idée du Progrès (opinion
de Henry Rousso et François Bedarida).
Des mémoires multiples qui, par le passé, étaient réprimées, ont émergé
et elles ont fait paraître non seulement la demande de la vérité historique,
avec le témoignage individuel, mais aussi le vécu en tant que critère inhérent
de leur authenticité. L’épanouissement
de la mémoire est lié aussi à l’épanouissement de la littérature
autobiographique, à l’occupation avec l’histoire familiale, ainsi qu’à la
création de musées personnels. Michel
Wieviorka considère que l’assaut dans la sphère publique de mémoires
individuelles hétéroclites et multiples ne surgit pas uniquement de
l’incertitude de l’avenir et de la crise des valeurs du présent, qui ont
entraîné un recul au passé, soit en tant qu’assise, soit en tant que
consolation, soit en tant que fil conducteur, mais aussi en tant que
conséquence de la pression, que les groupes organisés, opprimés ou victimes
d’élimination systématique, ont exercée par le passé, afin que leur offre soit
reconnue et que leur vécu soit sauvé.
Ioanna Papathanassiou
qualifie ces témoignages de «documents autobiographiques de la Gauche», de
corps d’informations utiles à la compréhension du mode de constitution et du
parcours historique du mouvement de gauche / mouvement communiste en
Grèce. I. Papathanassiou, (voir
p.256-257) distingue trois cycles différents d’activité littéraire et
éditoriale, trois périodes successives de publication de témoignages : a) 1974-1981 : durant cette période
les témoignages répondent, en premier lieu, au «besoin d’une plus vaste
acceptation et légitimation des communistes dans la société hellénique», mais
ils répondent, en parallèle, aux utilités de la lutte idéologique et politique
qui se déroule au sein de la Gauche. b) 1981 – 1989 : il s’agit d’une phase d’introspection,
caractérisée par la recherche des causes de la défaite de la Gauche en Grèce et
par une tentative d’ imputation de responsabilités. c) depuis 1990 : il s’agit d’une
période de repli, qui évolue en une crise d’identité de la Gauche après
l’écroulement du régime communiste, un événement qui a généré l’interprétation
rétrospective du passé, sous le prisme du cours «à chaud» du présent, d’une
part, et le doute et l’incertitude généralisés à propos du rôle de la Gauche
dans le monde actuel, d’autre part. Ce qui est paradoxal, c’est que dans le
témoignage de Scordos apparaissent des traits distinctifs de chacune des trois
périodes ci-dessus. La segmentation faite par
Polyméris Voglis
diffère de celle, en trois parties, de Ioanna Papathanasiou. Voglis écrit à ce sujet : «Au début,
durant les années 1970 et 1980, il a été publié les mémoires et les témoignages
de certaines personnalités de la Gauche qui avaient joué des rôles de
protagonistes dans la Résistance et dans la Guerre Civile. Ces mémoires là,
constituaient plutôt des récits d’ événements politiques et militaires et
tentaient de répondre aux questions pressantes qui se posaient sur les raisons
de la défaite et les responsabilités s’y rapportant, tandis qu’en même temps, les
auteurs desdites mémoires réglaient d’anciens comptes entre eux ou faisaient régénérer
le conflit entre les deux partis communistes.
Par la suite, à partir du milieu des années 1980 et surtout au cours des
années 1990, un nouveau genre de témoignages apparaît. Cette fois les écrivains
étaient les simples militants, les hommes et les femmes qui avaient participé à
la Résistance, avaient été incarcérés durant la Guerre Civile ou avaient
combattu dans les rangs de l’ Armée
Démocratique. Ils ne se sont pas
concentrés sur les événements d’importance décisive, mais sur l’expérience
personnelle [……].De même, l’axe narratif se déplace : l’opposition
dominante “nous” contre les “autres” (la direction de la prison, l’état etc.) a
petit à petit cédé la place au dialogue interne de l’espace de Gauche et à l’
identité bipolaire “nous / nous”. En
parallèle, l’expérience subjective, le “égo” de l’écrivain – témoin, s’érige en
constituante narrative privilégiée». Sur
la base de la segmentation de Voglis et des traits distinctifs qu’il attribue à
chacune des deux périodes qui se succèdent, le cas de Stamatis Scordos doit
être classé dans la deuxième vague de publication de témoignages de militants
communistes. Ces schémas
d’interprétation sous-estiment le fait que ce processus avait commencé depuis
le début des années 1960 et qu’il a été interrompu à cause de l’imposition de
la dictature de sept ans.
Il vaut bien noter qu’un nombre considérable de témoignages sur les
camps de concentration et les lieux d’exil de la période de I.Métaxas ont été
publiés durant la période de la junte militaire 1967-1974
ou auparavant.
Un fait remarquable a été la parution du périodique Εθνική Αντίσταση (Résistance
Nationale), dont le siège était à Prague, dans
lequel ont été publié des témoignages de partisans de la Gauche qui, pendant la
période de ce qu’on appelle « Μεταπολίτευση» (prononcé Métapolitefsi signifie
changement politique), ont publié un grand nombre de textes
autobiographiques .
Le témoignage du marin Stamatis Scordos, une forme intermédiaire entre
l’anti-histoire instituée et l’enregistrement de la mémoire personnelle, se
range dans la large vague de publication de mémoires de militants de la gauche
déclenchée dès les premières années de « Metapolitefsi », et qui
devint une marée de flot, dirait-on, au cours des années 1990; c’est à cette
période là, justement, que fit son apparition la recherche historiographique
scientifique sur la période de l’Occupation, de la Résistance et de la Guerre
Civile. La recherche historiographique
se mouvait tantôt dans le cadre de l’histoire politique et militaire, tantôt
dans celui de l’histoire orale et, plus rarement, de l’histoire sociale et
avait pour axe de ses sujets les causes et les dimensions locales, nationales
et internationales du conflit civil, la constitution de l’État d’urgence, les
camps de concentration et, d’une manière générale, les lieux d’incarcération,
ainsi que le sort des survivants de l’Armée Démocratique qui s’étaient réfugiés
dans les pays communistes. Les repères
dans le temps, balisant le trajet de cette effervescence d’écrire et de publier
qui avait pour buts évidents la contestation du récit historique officiel, la
rupture avec l’historiographie institutionnelle et, sur un second plan, la
réhabilitation ou la dévaluation des choix de parti ou personnels, ce sont
d’une part la légitimation du KKE (Parti Communiste de Grèce) en 1974,
l’avènement du PASOK (Mouvement Socialiste Panhellénique) au pouvoir en 1981,
la reconnaissance officielle de la Résistance Nationale en 1982 et, d’autre
part, la fin subite de la Guerre Froide en 1989, qui mena à la réunification de
l’Allemagne, à la démocratisation des États ex-communistes et, surtout, à la
destructuration interne et à la dissolution finale de l’Union Soviétique.
En particulier l’écroulement de l’Union Soviétique, signalant
l’annulation de l’utopie communiste, provoqua, ainsi qu’il était raisonnable, à
la majorité des communistes Grecs qui avaient participé à la Guerre Civile,
soit des projections rétroactives du présent sur le passé, une tendance de
faire la lecture historique du passé comme tragédie ou comme une ironie
tragique, soit la nostalgie et la sclérose idéologique, attitude qui a été
secondée par la dynamique de la mondialisation économique, par l’agressivité
inédite du capitalisme dans sa version néolibérale et par la levée partielle
des acquis et des droits sociaux des travailleurs qui avaient constitué le
cadre organisationnel de l’État Providence de l’après-guerre.
Le récit de vie de Stamatis Scordos, temoignage de documents
autobiographiques de la Gauche non seulement en Grece mais en Europe occidentale
aussi, réfute la distinction manichéenne proposée par François Bedarida
opposant, au niveau de statut,
l’histoire des événements à celle
de l’imaginaire social.
À mon avis, par contre, la mémoire personnelle et collective, ainsi que les
processus de leur reconstitution, dans des contextes historiques précis,
peuvent fonctionner comme un pont qui permettra de connecter le niveau de
l’ontologie historique (faits, expériences) au monde des représentations et de
la sémantique historique.
C’est la logique de l’histoire officielle institutionnelle qui constitue
le premier niveau de l’analyse historique (dossier). Il s’agit de la version émise
par l’État menant la guerre civile ou en sortant, qui se reconstitue à travers
ses documents archivistiques de caractère institutionnel et extra
institutionnel, les documents du dossier personnel de Scordos, les corps de
preuves qui le déclarent désagrégé et dangereux pour la sécurité publique en
composant sa culpabilité c'est-à-dire sa foi en l’idéologie communiste et son
identité de syndical communiste.
L’utilisation des documents dans les dossiers comme sources historiques
primaires n’est pas rare dans l’historiographie européenne, puisqu’elle est bien
fondée sur le plan scientifique, étant donné que dans le cadre des évolutions
relativement récentes sur le champ de l’historiographie critique scientifique,
les textes – et les documents dans les dossiers doivent être envisagés comme
textes – ne sont plus unilatéralement approchés comme des « carrières
d’événements pour la reconstruction du passé », mais en rapport tant avec
la manière de laquelle ils sont utilisés pour le dégagement des informations
qu’ils contiennent, qu’avec les « procédures sociales et politiques plus
larges (par exemple rapports de pouvoir) » dans lesquelles ils
s’inscrivent, ainsi qu’avec les situations de communication particulières, dont
ils constituent des aspects. À travers
ce prisme, ainsi que l’historien américain Dominick La Capra le prétend,
« le procès verbal d’un interrogatoire (…) constitue à lui seul une
structure textuelle de pouvoir, attenante aux rapports de pouvoir existants
dans la société en un sens plus large »,
un texte dont le sens s’active, cependant,
seulement au jour de la proposition d’interprétation de l’historien, au jour de
la cohérence narrative qu’il va instituer.
Et pour prouver ceci, nous pensons qu’un seul exemple suffirait :
un des ouvrages historiographiques les plus importants du 20e
siècle, le livre de Edward P. Thompson The Making of the English Working
Class (1963) s’appuie précisément sur des rapports d’agents secrets de la
police britannique, prouvant que la
fiabilité du témoignage historique « n’est pas une question de principe
mais de compétence. »
Les deuxième et troisième niveaux sont liés à la logique du témoignage
de Scordos, à son caractère autobiographique même, compte tenu que ce texte a
été conçu, dès le début, pour constituer une édition autonome et non un
témoignage oral livré à l’aisance distinctive des historiens dans le cadre
d’une recherche historiographique étendue.
Dans ce récit s’empreignent en relief les traces de la présence
corporelle, oculaire et auriculaire du narrateur, le cadre circonstanciel qui a
joué un rôle déterminant à son engagement idéologique et de parti et à son
intégration syndicale immédiate,
c’est la version des vaincus de l’histoire, dans laquelle se mêlent la mémoire
jadis interdite et maintenant érigée en anti-histoire institutionnelle du KKE
et de ses mécanismes, d’une part, et les déchirures fragmentaires, sélectives
et grenaillées de la mémoire individuelle du témoin, d’autre part, au moyen du
raccordement narratif desquelles le sujet connecte l’événement à l’expérience,
donne un sens au temps vécu et tente de faire revivre son trajet historique en
tant qu’ensemble cohérent, uni et indivis, de récupérer son accès à la parole
publique, mais aussi de rendre accessibles à la postérité sa propre expérience
et sa propre identité. Le
soubassement mythique et constructeur du mythe du récit de vie de Scordos c’est
la conception de la vie comme une épreuve, comme un service à l’office d’idéaux
qui illuminent la dignité humaine et la liberté, tandis que l’approche de ce
récit à travers la catégorie analytique de l’intrigue, fait valoir son
caractère mixte, tandis qu’en elle s’enlacent tant des éléments romantiques –
le conflit entre le héro révolté individuel et collectif et le monde hostile,
lequel conflit inflige la chute du héro et la prédominance finale de l’idée de
droit – que des éléments tragiques – l’affaissement du héro, qui surpasse les
limites humaines en combattant contre des mécanismes de pouvoir
implacables. Le récit de Scordos évince,
légitimement, les inerties nées par les silences de l’histoire officielle, par
les silences de la légalité imposée par les vainqueurs, mais, en même temps,
par les silences issues de la gêne et de la honte que cause le passé au vaincu,
aboutissant même au repoussement et au renie de ce dernier. Cependant, le narrateur ne peut pas surpasser
les limites du silence intériorisé et complice sur les échecs stratégiques et
tactiques du leadership du KKE lui-même et de ses mécanismes de parti. D’ailleurs,
dans son récit autobiographique prédomine le soin de sauvegarder la mémoire
collective, tandis que la réflexion critique sur le passé reste en arrière
plan. Par son récit, par le témoignage
de vie qu’il dépose, à travers lequel il ne s’ouvre que des fentes
circonstanciées qui laissent voir le coût personnel du combat et la mise en
question des décisions et des pratiques de parti, le syndical communiste
persécuté remodèle son expérience vécue en expérience conçue. Remodelage qui vise à la déstructuration de
la mémoire sociale officielle, à travers l’intégration des expériences non pas,
généralement et indéfiniment, des combattants de Gauche vaincus et exclus de la
mémoire nationale et généralement de la mémoire historique, mais plus
précisément, d’une avant-garde mondialisée du mouvement révolutionnaire
syndical de gauche : des marins communistes grecs. C'est-à-dire que Scordos cherche à constituer
une autre image publique pour lui-même et pour ses compagnons : ne plus
être le porteur du miasme collectif, le désagrégé de la communauté nationale,
mais le combattant marqué, justifié, dont l’expérience doit constituer un
héritage universel, une partie de notre passé historique commun. Le narrateur remodèle son expérience, sa mémoire
et sa conscience historique traumatique, il remodèle la nostalgie et la
répugnance que lui cause le passé, en un dépôt politique et idéologique pour la
postérité, en une leçon de combativité, de résistance, de persévérance et de
liberté.
Le narrateur autobiographié qui, ainsi que le signale généralement à
propos des témoignages de cette nature Franguiski Abatzopoulou, « fait son
auto-narration pendant qu’il narre » invite le lecteur à devenir le garant de la vérité
que contient son récit, en alléguant,
au niveau de la rhétorique, l’argument désarmant du caractère autobiographique
et authentique comme un élément de persuasion. Le narrateur
récupère le sens perdu de sa lutte, à travers le rétablissement critique et
sélectif du passé dans le présent, où les acquis et les droits des travailleurs
sont de nouveau contestés et où il est compromis le sens même de la rationalité
politique, de la dignité individuelle et de la liberté de l’homme. De cette façon,
le passé cesse d’avoir un sens d’autoréférence, il cesse d’exercer une
domination tyrannique sur le présent et il dégage la dynamique libératrice
inhérente aux combats déjoués, perdus et oubliés. Il devient ainsi le critère de valorisation
du bilan non seulement du temps accompli, mais aussi de la réalité
actuelle; il devient l’instrument de la
scrutation des possibilités critiques que ceux-là contiennent, le catalyseur de
la prise de conscience historique et de l’émancipation des hommes; il devient « l’ autre »
qui active les antinomies qui habitent la soi-disant compacte identité du
présent, en menant à la surface soit des fragments de sens du révolu – qui nous
permettent de nous distancier des certitudes du présent érigé en valeur
ontologique du « capitalisme totalitaire », qui parait capable de
fléchir les noyaux de résistance de toutes sortes – soit de nouvelles forces
créatrices.
Le récit autobiographique de Scordos, d’après les catégories analytiques
plus générales que Buschoten distingue,
peut être considéré comme un autoportrait, une autobiographie centralisée sur la
thématique du héro et de ses compagnons, sur leur rôle de protagonistes et sur
l’influence fructueuse qu’ils ont exercée sur l’évolution des événements
importants du 20e siècle.
Cependant, en parallèle, dans l’autoportrait de Scordos où jaillit en
relief l’intention dénonciatrice, font sporadiquement leur apparition, la
thématique de la victime, celle du spectateur involontaire des actions
historiques, plus rarement celle du combattant méconnu et presque jamais celle
du coupable.
Dans
le cas du récit de vie, ouvert et non autoréférentiel, de Scordos, pour qui l’important
c’est la rencontre avec l’autre, la lutte commune et l’expérience injustifiée
partagée, la communauté dans la conviction et dans la solidarité, où « (…)
l’expérience personnelle s’intègre au sein de la commune et puise dans les
mémoires collectives »,
nous n’avons pas à faire à la simple
fonction évocatrice de la mémoire individuelle en tant que mécanisme psychique,
qui agit exactement comme le rêve, à travers la condensation et la transposition. Bien au contraire, nous avons à faire à une
mémoire interindividuelle – sociale innée,
le soubassement et l’horizon, en même temps, de la conscience individuelle, par
la mise en paroles de laquelle il se fait un effort de regagner le temps perdu,
de mettre en action, enfin, la vision annulée du changement radical de la
société grecque, la réalisation de laquelle avait été tentée à travers la
Résistance et la Guerre Civile. Le
martyrologe des compagnons du narrateur, marins et officiers qui ont été
torturés et mis à mort dans les îles de Yaros et de Makronissos, sert justement
cette utilité : il fonctionne comme un appel aux décédés, trépassés d’une
mort imméritée, vers une résurrection imaginaire mais, en même temps, comme un
appel à des luttes nouvelles.
Dans le cas du témoignage de Scordos, nous avons à faire à une tentative
d’accès à la mémoire, dans le but de forger ou de renouveler une tradition de
lutte, à travers laquelle le temps et l’action acquièrent une continuité,
donnant un sens à l’existence tant individuelle que collective. Si, ainsi qu’il est admis de nos jours, toute
narration a primordialement une fonction existentielle, puisqu’en donnant un
sens à son « ego » et au monde, le sujet individuel construit son
identité, un « moi » réel ou imagé, à travers le prisme de sa propre
narration, si elle est secondairement désignée comme une pratique de
communication, comme l’expression d’un rapport historique, puisque possédant un
préfixe inné, elle présuppose des destinataires réels ou possibles, des
auditeurs individuels ou collectifs / lecteurs / interlocuteurs et qu’elle
recherche leur participation imaginaire à ce qui est narré et, éventuellement,
la provocation de quelque action, alors, précisément, la mémoire de Scordos
annulée, interdite, réduite au silence et, à la fin, récupérée, constitue un
éloquent témoignage de vie, un prisme privilégié qui permet de conduire de
l’individuel à l’interpersonnel et au collectif. Une telle narration constitue de fait une
forme de « narration expressive », étant donnée qu’elle traite de la
question de la justice, de la reconnaissance et de la confirmation, mais aussi
de la rédemption du sujet de la charge de la mémoire qui, à l’issue de la
Guerre Civile, était condamnée à ne jamais se muter en narration, à ne jamais
s’exposer ni s’extérioriser. Une telle
narration ne tourne pas au narcissisme, elle n’a pas le caractère de la détente,
du moment où son horizon, ainsi dans le cas que nous traitons, est une vision
collective, du moment où elle porte inhérent le requis du compte rendu à la
conscience et à l’histoire. Elle n’est
pas non plus une « narration accablante », attachée pour toujours au
passé mythifié et héroïque d’un paradis perdu, devant la dynamique d’un monde
qui change à une cadence impétueuse, en transformant le présent en une ligne
interrompue d’instants fugitifs.
Il s’agit d’une pratique narrative d’émancipation de la malédiction de l’oubli
imposé, l’expérience douloureuse du rappel du passé au présent, à travers
laquelle est regagné le temps perdu des combats annulés, des persécutions, des
tortures et des sacrifices, tandis que la mémoire sanglante devient le canal de
projection dans l’avenir de telles visions et de tels plans, un foyer de
collectivité mais aussi de résistance.
Chaque mémoire s’active en rapport avec le contexte historique qui
mobilise son porteur, les nécessités, les intentions et les visions du
présent. Sous ce prisme, l’emphase
accordée par Scordos, lors du processus de rappel du passé et d’enregistrement
de ses expériences et de ses réflexions, à la constitution du front
antifasciste en tant qu’une lutte suprême contre les forces de l’Axe, dans le
but primordial de défendre le système parlementaire et dans le but secondaire
d’empatter et d’approfondir la démocratie politique et sociale dans la marche
de l’humanité vers la réalisation de la réformation socialiste n’est que l’ « isotopia » de la conviction du rarrateur que,
sous les conditions actuelles de dérégulation néolibérale des rapports du
travail, est nécessaire à la cohésion des républiques pluralistes de masse,
l’assurance du consentement social le plus large possible et l’hégémonie
idéologique. Un tel cadre de mémoire, qui évoque l’optimisme
révolutionnaire qui émanait du contexte de développement le plus heureux pour
le communisme grec et pour celui d’Europe occidentale, pendant la période
1941-1945, met en second plan – quand il n’omet pas totalement - la dénonciation
de la pathologie du stalinisme et des déviations du socialisme
« existant », ainsi que la critique des politiques stratégiques
incohérentes et des ordonnances tactiques spasmodiques du KKE, notamment sur
son implication dans la Guerre Civile dans laquelle il n’a pas tenu compte de
l’ambiance négative créée par la Guerre Froide.
Un tel cadre de mémoire ne met en valeur, non plus, ni la question du
pouvoir absolu qu’exerçait le KKE sur ses membres (surtout ceux incarcérés) ni
du dévouement aveugle qu’il exigeait d’eux.
Ce cadre de mémoire ne traite pas des mécanismes de parti qui
planifiaient et orchestraient la réduction en démon de « l’ennemi interne »,
ainsi que l’élimination morale et
physique de ceux qui prenaient des distances de sa ligne. Il n’impute pas de responsabilité pour la
révolution annulée. Et ceci, non parce
qu’il ne pourrait pas faire de critique essentielle, non parce que le KKE
aurait pris dans la conscience de Scordos des dimensions transcendantales,
mais, selon toute évidence, parce que la mémoire repousse et tait l’expérience
la plus intense qui est toujours traumatique, la plaie béante capable de
démanteler l’identité humaine même. Dans
le cas précis, la foi aveugle en l’utopie de la révolution communiste et au
rôle dirigeant du parti, fonctionne exactement comme le centre existentiel de
Stamatis Scordos, un marin cosmopolite et en même temps patriote, et de ses
compagnons. L’alignement sur
la « ligne de mémoire du parti »
est bien évident dans la valorisation du mouvement des forces armées grecques
au Moyen Orient.
En soutenant « à posteriori » la ligne
officielle de parti du KKE, lequel, depuis son 7e Congrès par la
bouche du secrétaire général Nicos Zahariades avait stigmatisé le mouvement
comme étant « le doigt » des services secrets anglais, Scordos avance
l’argument que, malgré le bien fondé des réquisitions, la manifestation du
mouvement dans un contexte historique hostile, a essentiellement contribué au
ralliement des forces conservatrices et réactionnaires et a donné aux Anglais
l’occasion d’accuser EAM (le Front National de Libération) et le KKE, de créer
une ambiance défavorable à la Gauche et d’émousser la position de la Grèce dans
le camp des alliés.
Epilogue
L’oubli sélectif du passé est, ainsi que Nietzsche l’a avancé le
premier, le seul moyen d’empêcher la
tyrannie du passé sur le présent.
Particulièrement chez les sociétés qui, durant le 20e siècle,
ont vécu l’expérience tragique de la guerre civile, l’oubli a – d’une certaine
façon – un caractère de nécessité, puisqu’il représente – dans sa version
progressiste – la revendication politique démocratique de surpasser la stigmatisation
idéologique, la désagrégation ou
l’élimination physique du différent et du vaincu et – dans sa version
conservatrice – il fonctionne comme une fraude idéologique en supprimant ou en
aliénant la mémoire historique traumatique ou contentieuse, dans le but de
« déshistorifier » les conflits de classe et les combats politiques
du passé et, en fin, de légitimer le présent sous le manteau du consentement
politique. En Grèce, le contexte
historique et la collaboration occasionnelle de la Droite avec la Gauche, le
fonctionnement idéologique de laquelle a été fondé sur la « projection rétrospective de la réconciliation nationale sur le passé » ainsi que sur la levée des conséquences de la Guerre
Civile au moyen de l’ « assentiment pour que l’amnésie historique soit imposée »,
ce contexte et cette collaboration ont conduit, en 1989, au bûcher cérémonieux
et soi-disant propitiatoire, chargé toutefois de significations
« médiévales », flambant
dans les hauts fourneaux de l’Aciérie, des milliers de dossiers de citoyens,
crémant ainsi « les documents d’une période cruciale de notre
histoire », en conséquence de la collaboration harmonieuse de tous les
partis au parlement.
L’incinération des dossiers a eu une double signification négative. D’une part, elle a privé la science
historique d’un matériel historique d’importance éminente, matériel fonctionnel
et valorisable non seulement en histoire politique mais aussi en histoire
sociale et culturelle,
d’autre part, elle a ôté tout contenu à la réquisition de conscience de soi
collective, puisqu’elle a subjugué l’évident droit démocratique à la mémoire et
à l’interprétation historique qui visent le but de trouver et de restituer la
vérité, à une soi-disant nécessité d’oubli qui s’impose et de compensation
politique et idéologique. Il est
manifeste que le fait que le dossier personnel de Stamatis Scordos ait été
sauvé intègre et intégralement offert à la recherche, ajoute un anneau
d’importance décisive à l’effort de documentation historiographique et
d’interprétation de faits déterminants de l’histoire grecque moderne. À condition, certainement, qu’il soit à
l’avance tenu compte que les reliquats archivistiques des institutions et des
mécanismes de répression de l’État en guerre civile et de la « démocratie
en cachexie »
qui succéda à cette guerre civile ne dégagent pas nécessairement des
figurations fidèles de la réalité historique, mais des réfractions, des images
entremises, la carcasse desquelles c’est la logique bureaucratique de l’état
autoritaire d’ une Droite paternaliste et phobique. Le sauvetage du dossier de Scordos ne doit
pas ressortir de l’engagement – tant propagé – du gouvernement d’alors qu’il
allait conserver les dossier des « illustres » - enchaîné à une élitiste
approche du passé, officiant au culte des héros – mais il est plutôt le
résultat de l’action d’une tendance minoritaire qui soutenait qu’il fallait
rendre les dossiers aux « titulaires » comme s’il s’agissait d’un
bien patrimonial ou d’une menace venant du passé qui devait être réfutée, car
elle aurait pu ébranler et dérégler l’identité même du citoyen de gauche,
réintégré dans la vie sociale et politique depuis 1974 et, surtout, à partir de
1981.
D’une manière générale, en ce qui concerne les textes
autobiographiques des communistes grecs, ainsi que les segmentations et les
différenciations qui les distinguent en catégories selon que l’écrivain soit un
homme ou une femme et en fonction de ses origines, de son niveau d’éducation et
de sa profession : voir Christian Gonsa «Αυτοβιογραφικά κείμενα ελλήνων κομμουνιστών. Η ιστορία του
Κομμουνιστικού κόμματος της Ελλάδας μέχρι τον Β΄ Παγκόσμιο Πόλεμο» («Textes
autobiographiques de communistes grecs. L’histoire du Parti
Communiste de Grèce jusau’à la Seconde Guerre Mondiale»), Μνήμων, no 17, p. 107-129.
Il parait que les listes des noms des compagnons
torturés ou mis à mort pendant la Guerre Civile, constituent comme un élément
structurel des témoignages et des mémoires des combattants de gauche. Voir Tassoula Verveniotis, Διπλό βιβλίο. Η ιστορική ανάγνωση, (Livre double. La lecture historique), Βιβλιόραμα, Athènes 2003, p. 98.
Le 1er Avril 1944 commencent les
insurrections dans l’armée – 1ère Brigade – et dans la marine
militaire – vaisseaux de guerre grecs en Alexandrie – qui ont abouti à
l’incarcération de 9000 hommes dans des camps de concentration divers et à
l’épuration de l’armée des soldats et des officiers communistes et
progressistes. Concernant le mouvement
d’Avril 1944 au Moyen Orient voir, parmi d’autres, Vassilis Nefeloudis, Η Εθνική Αντίσταση στη Μέση Ανατολή (La Résistance Nationale au
Moyen Orient), volumes A et B, Θεμέλιο (Thémélio) ed., Athènes, 1981, et Giorgis Athanasiades, H πρώτη πράξη της ελληνικής τραγωδίας, (Le premier acte de la
tragédie grecque), Σύγχρονη Εποχή (Époque moderne) éd., Athènes, 1994. Sur les problèmes qu’a causés dans
les rangs du KKE la transmutation en roman de ces événements par Stratis
Tsirkas dans l’ouvrage littéraire majeur de la prose grecque d’après guerre Ακυβέρνητες Πολιτείες (Cités a la derive),
voir Yiannis Papathéodorou, «Ο σκληρός Απρίλης του 44. Μυθοπλασία, ιστορία και μνήμη στις ‘Ακυβέρνητες Πολιτείες’ του Στρατή Τσίρκα» (Le dur Avril de 1944, création de mythe, histoire
et mémoire dans Cités a la derives de Stratis Tsirkas), Μνήμων, 24 (2002), p. 269-296.
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